Les « starchitectes », le top 10 des architectes célèbres
Les starchitectes représentent une poignées de praticiens qui profitent d’une renommée internationale grâce à leur avant-gardisme, leur production architecturale : originale, monumentale, conceptuelle, ou encore leurs publications, leurs prouesses techniques, leur personnalité et bien sûr le coût faramineux de leurs projets. Certains promoteurs sont prêts à faire cet investissement afin de valoriser leur projet, ou convaincre certaines municipalités réticentes grâce à la confiance inspirée par ces figures de l’architecture.
Si peu d’architectes sont connus du grand public, les starchitectes ont une renommée qui dépasse leur cercle professionnel. Vers une architecture-marketing autour du monde en 10 agences.
Un projet d’architecture ?1 – Frank Gehry, le starchitecte de « l’effet Guggenheim »
Le concept de starchitecte est presque né avec Frank Gehry et son musée Guggenheim à Bilbao en 1997. Le bâtiment est une véritable oeuvre d’art monumentale composée de pierre, de verre et de titane dont la brillance varie avec les courbes et la luminosité. Une fondation de mécènes connus, par un architecte américain connu, qui conçoit un bâtiment spectaculaire… on a évidemment énormément parler du Guggenheim de Bilbao depuis son ouverture. Et du coup, l’ancienne cité portuaire sur le déclin a attiré énormément de touristes qui ont redynamisé la ville et désenclavé la berge. Le phénomène, plus ou moins efficace en termes de retombées économiques, a été surnommé « l’effet Bilbao » ou « effet Guggenheim ».
Les réalisations de Gehry sont très sculpturales mais entretiennent peu de liens avec le contexte et l’environnement qui les entourent, privilégiant plutôt la forme que le fond. Souvent, ces projets questionnent voire provoquent.
2 – Jean Nouvel, le starchitecte français le plus connu dans le monde
Architecte star parmi les starchitectes Jean Nouvel (Prizker en 2008) se démarque par ses réalisations grandioses comme le montre le Louvre d’Abu Dhabi. Sa toiture-coupole, de 180m de diamètre, est parsemée d’une constellation d’ouvertures qui filtrent la lumière au fil de la journée. L’engouement provoquée par les projets de Jean Nouvel n’a d’égal que sa critique ! On peut citer deux polémiques récentes, le coût de construction de la philharmonie de Paris qui a triplé pour dépasser le demi milliard, ainsi que les malfaçons du palais de justice de Nantes dont les réparations s’élèvent à 8 millions d’euros. La renommée de l’agence se nourrit aussi des « bad buzz ».
3 – Zaha Hadid, UNE starchitecte
Les femmes se font rares chez les starchitectes et elle est la seule à avoir reçu le Pritzker. L’architecte et urbaniste Irako-Britannique Zaha Hadid est reconnue internationalement pour être une figure du mouvement déconstructiviste. Son architecture emblématique aux allures futuristes, aux courbes généreuses qui se confrontent aux angles aigus ont fait le tour du monde. Les espaces semblent s’articuler de façon complexe, et confère une dimension technologique aux bâtiments. La production de l’agence est multiprogrammatique mais d’échelle très importante, de nombreuses tour (la première à Marseille) mais également des projets d’infrastructure comme celui de l’aéroport de Pékin.
Si plusieurs des agences citées précédemment privilégient un travail sensible en maquette, ce sont de savantes modélisations qui permettent aux architectes de l’agence de Zaha Hadid de générer de tels volumes. Cette méthode de travail perdure chez les collaborateurs même son décès en 2016, et caractérise cette architecture qui fabrique des objets saugrenus dont l’intégration urbaine pose question.
4 – Lord Norman Foster + partners, un starchitecte ingénieur
Cette agence londonienne, vieille de plus de 50 ans, est pluridisciplinaire. Elle est reconnue pour son expertise en architecture, en ingénierie, en urbanisme et en design. Les architectes ont mis au point des détails constructifs très poussés, sur toutes les grandes thématiques de chantier. Foster+partners a notamment conçu un certain nombre d’Apple Stores dans le monde entier, ainsi que l’immense siège social de la marque nommé «Apple Park» en Californie. Ces bâtiments sont connus pour leurs finitions très soignées. Apple Park s’étend sur 260 000m2, accueille 12 000 employés et son coût est estimé à près de 5 milliards de dollars.
Un projet de travaux ?5 – Renzo Piano, un starchitecte visionnaire
Un autre Pritzker prize, l’architecte italien Renzo Piano. On parle beaucoup de lui en France depuis le controversé Centre Pompidou qu’il a conçu avec Richard Rogers (UK) dans les années 70 à tout juste 30 ans. Si son esthétique peut ne pas faire l’unanimité, le concept du bâtiment relève du génie. On a tendance à oublier que le principal atout de Beaubourg c’est l’espace public qu’il offre, la grande « piazza » inclinée, parvis du musée, partagé par tous, à la place de ce qui était une béance dans le quartier, un terrain vague. Et pour parvenir à offrir une place aussi vaste, il fallait un bâtiment haut, compact, avec un maximum de surfaces utiles, modulables, flexibles dans les programmes qu’elles pouvaient accueillir, voire réversibles. Pour ce faire, les architectes ont rejeté tous les éléments techniques et contraignants en façade : circulations des fluides et des personnes, structure porteuse. L’exostructure est blanche, l’eau circulent dans les tuyaux verts, l’air dans les tuyaux bleus, l’électricité dans les jaunes. Les ascenseurs et coursives sont aussi extérieures et permettent d’aller d’un espace à l’autre avec une vue imprenable sur Paris. Tous ces éléments sont traversés par l’iconiques chenille, l’escalator dans la diagonale du bâtiment. D’autres programmes sont venus s’articuler autour comme l’atelier Brancusi et la fontaine Stravinsky.
Renzo Piano est désormais à la tête d’une agence internationale, la Renzo Piano Building Workshop. Il comptabilise plus d’une centaine de projets parmi lesquels des œuvres considérables comme «The Shard» dans la City de Londres (photo de couverture), ou encore le tout nouveau tribunal de Paris qui se démarquent par leur façades constitués de larges panneaux en verre.
6 – Kengo Kuma & associés, une architecture traditionnelle réinterprêtée
Kengo Kuma est originaire de Tokyo et a étudié à Columbia. Kengo Kuma & associés existe depuis 1990. La production architecturale de l’agence s’appuie sur les traditions constructives du Japon. Les matériaux privilégiés par l’agence sont le bois, le métal mais aussi des matériaux «alternatifs» naturels et locaux, comme la pierre, la céramique, le bambou.
Cet été auront lieu les prochains J.O et Tokyo s’équipe d’un nouveau stade olympique avec une capacité d’accueil de 80 000 spectateurs. Ce sera de loin le plus gros projet de l’agence avec un coût de construction est estimé à un peu plus de 1,3 milliards d’euros. Il a été conçu comme un jardin suspendu avec beaucoup de végétation en harmonie avec la forêt à proximité, conformément à sa démarche écologique, a pour ambition de faire « rentrer la nature dans les villes ».
7 – Herzog et De Meuron, des starchitectes audacieux
Jacques Herzog et Pierre De Meuron collaborent depuis 1978 et ont reçu le Pritzker price en 2001. A l’image de la production suisse, leur architecture est très juste, conçue dans les moindres détails, mais elle se veut aussi assez audacieuse notamment grâce à une exploration constante sur la matérialité des projets. On peut citer par exemple la façade verte presque cinétique de la pharmacie de Bâle et le granuleux musée Schaulager dont les espaces d’exposition provoquent une émotion certaine.
L’Elb Philharmonie à Hambourg témoigne de cette recherche poétique : les lignes de la toiture de la toute nouvelle salle de concert symphonique située dans le port d’Hambourg sont directement inspirées des vagues que forme la houle de l’Elb. Le bâtiment est tout simplement spectaculaire.
8 – MVRDV – les starchitectes de la densité
L’agence d’architecture et d’urbanisme MVRDV est née en 1993 aux Pays-Bas. Le sigle reprend les initiales des patronymes des trois architectes fondateurs : Winy Maas, Jacob van Rijs et Nathalie de Vries. Baptisée «The Eye», l’impressionnante bibliothèque qu’ils ont conçu à Tianjin-Binhai en Chine est très largement plébiscitée sur les réseaux sociaux depuis son ouverture en 2017. L’innovation fait réellement partie de la culture de l’agence. Bon nombre de leurs projets, aux quatre coins de la terre, portent un concept, notamment les bâtiments de logement collectif. Dans la lignée de Rem Koolhaas (agence OMA), leur architecture peut être parfois impertinente mais jamais gratuitement.
L’immeuble de logement Mirador est conçu comme un ensemble de mini quartiers empilés verticalement autour d’une place suspendue à 40m du sol. L’espace partagé crée une fenêtre monumentale dans le bâtiment et offre un cadrage sur le paysage depuis cet espace collectif à disposition des habitants.
9 – SANAA – une architecture « simple mais pas sévère »
Le duo d’architectes japonais : Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa ont crée leur agence en 1995 et ont été distingués du prestigieux Pritzker (équivalent du prix Nobel en Architecture) en 2010 puis de l’équerre d’argent en 2013 pour le Louvre-Lens. Le même soin est apporté à la grande et la petite échelle, grâce à un travail en maquette extrêmement rigoureux. Leur architecture est simple, sans artifice. Leurs réalisations sont délicates, légères et lumineuses et souvent blanche par souci de pureté.
« Nous essayons de mettre en œuvre des dispositifs qui permettent une transition douce avec l’environnement, par la transparence, la réflexion ou l’ouverture directe sur l’extérieur. Qu’on ne sache pas où le paysage s’arrête et où le bâtiment commence, telle est le plus souvent notre intention. »
10 – Snøhetta, les starchitectes qui dessinent des billets de banque
Snøhetta, ou Snøhetta arkitektur landskap AS, est installée à Oslo. L’agence s’est notamment faite remarquer pour avoir conçu le premier restaurant sous marin du monde à Lindesnes en Norvège. Plus majestueusement, elle a aussi signé l’opéra national de Norvège, mondialement connu, qui a été récompensé du prix Mies van der Rohe en 2009. Le bâtiment émerge de l’eau et fait écho aux fjords en face. Depuis 30 ans, l’agence ne cesse d’occuper la scène internationale, notamment en France avec le concours de la salle Saint-Denis Pleyel et le bâtiment qui abrite la reconstitution de la grotte de Lascaux. Son écriture architecturale repose sur une lecture scrupuleuse du paysage.
Même si la liste n’est pas encore si longue, elle n’est pas non plus exhaustive. On pourrait encore citer les portugais Eduardo Souto de Moura et Alvaro Siza qui est déjà entré dans l’Histoire, les japonais Tadao Ando et Sou Fujimoto, les espagnols Rafael Moneo et Santiago Calatrava, les français Christian de Portzamparc et Bernard Tschumi,…
Que penser des starchitectes ?
Leurs bâtiments ne font pas l’unanimité, notamment auprès de leurs confrères. La sur-exposition de ces architectes aux médias rend la critique facile. Elle est parfois fondée, par exemple lorsque les sommes d’argent engagées sont complètement disproportionnées par rapport à la pertinence de la réponse architecturale.
Mais il faut aussi souligner que ces architectes sont des virtuoses de la communication. Leur maîtrise des médias leur ont permis de porter hors de leurs frontières un savoir-faire, une tradition architecturale, une ambition environnementale, ou plus trivialement, ont intéressé le grand public à l’architecture. Ils alimentent à leur façon le débat architectural mondial.
Les starchitectes, forts de leur réputation internationale, semblent ne plus avoir aucune limite dans l’envergure et le faste de leurs projets. À qui fera le bâtiment le plus cher, le plus visité, le plus critiqué, le plus haut, le plus taggé sur instagram ? La course aux superlatifs confrontent les starchitectes à une rude concurrence.
Photo de couverture : The Shard ©Renzo Piano
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